- CÉLÉBRATION (genre littéraire)
- CÉLÉBRATION (genre littéraire)CÉLÉBRATION, genre littéraireActe rhétorique par lequel on établit la supériorité de quelqu’un ou de quelque chose. Réelle ou imaginaire, cette supériorité est exprimée dans des termes propres à propager le sentiment d’élévation. Parmi les trois genres du discours répertoriés par Aristote, la célébration (avec le blâme) appartient au genre épidictique (ou démonstratif), codifié déjà par Gorgias de Leontium qui en détermine les règles et ouvre la voie à la stylistique. En effet, moins utilitaire que les genres délibératif et judiciaire , l’épidictique a un enjeu esthétique considérable, qu’il soit un simple exercice oratoire ou qu’il soit à la base même de toute pratique poétique productrice de texte «beau».L’apparition de la littérature encomiastique est liée aux réjouissances privées ou publiques aussi bien qu’à la mort d’un personnage illustre. Elle se rapporte donc à l’actualité. Même la célébration de la nature, sujet éminemment intemporel, s’inscrit dans le présent, tel que celui-ci est vécu par le poète. L’emploi des superlatifs, des expressions hyperboliques, l’embellissement de la réalité appartiennent aux procédés caractéristiques du genre. Il n’existe aucun sujet qui ne puisse être célébré. Le caractère gratuit, purement verbal de certaines louanges, les éloges satiriques d’objets peu dignes n’ont pas suffi à jeter le discrédit sur l’ensemble de la littérature laudative.Le grand nombre et la diversité des genres littéraires attachés à la fonction de la célébration montrent, depuis l’Antiquité, l’importance de la mémoire perpétuée par les poètes, dont ils sont d’ailleurs très conscients: «privée de l’hymne qui la loue, la valeur reste couverte d’une obscurité profonde» (Pindare, Septième Néméenne ); cette affirmation passe déjà pour un lieu commun chez Pindare qui produisit, sur commande, tant d’épinicies . Si l’invention du genre de l’ode triomphale est attribuée à Simonide de Céos, au temps de Pindare sa thématique est déjà fixée: il fallait traiter du vainqueur des jeux sportifs (comme les jeux Olympiques) en chantant sa patrie, les dieux et les légendes mythologiques qui s’y rapportent, sans oublier l’enseignement moral de celles-ci, car l’éloge devait servir de stimulant. Ainsi le patriotisme des Athéniens fut-il stimulé par l’oraison funèbre prononcée par Périclès (cf. l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide), tandis qu’un autre élève de Gorgias, Isocrate, souligne dans son panégyrique la supériorité des Grecs par rapport aux Barbares.D’autres genres encomiastiques existaient cependant: le dithyrambe célébrait originairement Dionysos, l’épithalame était écrit pour le mariage et l’épitaphe comportait souvent la louange du mort, chantée aussi dans le péan et, en partie, dans le thrène . Ces derniers furent évoqués par Homère. Ce sont les rhéteurs grecs qui transmirent aux Romains l’art d’honorer (et de flatter) les hommes politiques; l’éloquence d’apparat fut aussi enseignée par ceux-ci: des rhéteurs chrétiens comme saint Jean Chrysostome ont fréquenté l’école de Libanios, auteur du célèbre Éloge de l’empereur Julien .Ernst Robert Curtius souligne l’importance capitale de l’influence du genre épidictique sur la poésie médiévale; tout peut y être loué: «La plupart des thèmes lyriques que le poète développe à partir d’un élément autobiographique sont rangés par la théorie antique dans la liste des topoi épidictiques» (La Littérature européenne et le Moyen Âge latin ). La vivacité du genre est d’autant plus remarquable qu’il est en butte aux attaques des tenants de l’ascétisme chrétien. Mais la Bible fournit maints exemples de la célébration de Dieu; le Cantique des cantiques peut être considéré comme un épithalame; la littérature des vies de saints est aussi largement encomiastique; panégyriques et laudes sont composés à la louange des personnages ecclésiastiques. Il en ira de même dans les cours princières et royales, où les éloges vanteront la sagesse, la force, la noblesse de l’âme et la beauté des chefs (cf. Curtius).Le genre épidictique est souvent ressenti, depuis l’Antiquité, comme une forme mensongère et pompeuse. Les contrefaçons satiriques telles que les contre-blasons au XVIe siècle précipitent parfois le déclin de certains sous-genres. Contre l’inflation du panégyrique, Bossuet, dans ses Oraisons funèbres , déplace l’accent sur l’enseignement théologique, tandis que Corneille, dans Attila , déguise ses louanges de Louis XIV et du Dauphin dans l’éloge à l’adresse de Mérovée et de son fils. De nos jours, la tradition du panégyrique se maintient dans le discours académique prononcé en hommage à un académicien défunt, et dans le genre du tombeau , moins codifié et plus significatif.
Encyclopédie Universelle. 2012.